Bonjour à tous !
Dans l'article précédent, on a commencé à se questionner sur ce qu'apporte le yoga, en-dehors de l'exercice physique. Je vous disais que, selon moi, l'essentiel ne concerne pas tant l'exercice physique que ce que l'on développe à travers l'exercice physique.
Et qu'est ce qu'on développe exactement
à travers l'exercice physique ?
D'abord, il y a la bienveillance. Le mot est à la mode, ce qui me semble plutôt une bonne chose (tant qu'on ne le fait pas rimer avec complaisance).
1. La théorie
Après un détour sur le Larousse, je peux vous dire que la bienveillance s'apparente à une "disposition d'esprit inclinant à la compréhension, à l'indulgence envers autrui".
Autrui, c'est bien. Mais être bienveillant envers soi-même, c'est tout aussi important. Je pense même que c'est primordial car c'est en reconnaissant et en acceptant ses propres limites que l'on devient plus compréhensif envers celles des autres (#callmebouddha). Un peu comme toutes ces phrases lues ou entendues jusqu'à l'overdose. "Pour pouvoir vivre avec une personne, tu dois déjà pouvoir vivre avec toi-même". "Pour aimer véritablement quelqu'un, il faut déjà s'aimer soi-même".
Même concept.
Vous pourrez entendre les phrases suivantes dans un cours de yoga, "ne vous comparez pas à votre voisin", "soyez à l'écoute de vos sensations", "pratiquez pour vous", qui sont autant d'incitations à développer cette bienveillance dont nous parlons.
Etre incité à étoffer sa bienveillance, c'est un premier pas. S'y entrainer, c'est encore mieux ! Personnellement, je vois la bienveillance comme un muscle. Ce qui signifie que l'on peut agir dessus, on peut choisir de la développer.
Comment on fait ?
Dans le cadre de la pratique du yoga, la bienveillance consiste à être lucide et à accepter :
- votre condition physique (souplesse, force, ...)
- votre fatigue du jour, - votre humeur du moment,
et à composer avec ces éléments.
Attention, je ne vous encourage pas à rester au même point ad vitam aeternam, au contraire ! Il n'est pas question de se dire "je suis raide comme un bout de bois, c'est comme ça et j'accepte que ça le reste jusqu'à la nuit des temps". Non, il est davantage question de penser "ok, je suis raide comme un bout de bois, c'est ma base de départ, comment je peux améliorer ce point ?" ; l'idée étant de pouvoir identifier des postures adaptées pour améliorer cette raideur, gagner en mobilité et en confort au quotidien.
Etre lucide sur son point de départ et l'accepter représente une première étape pour développer une approche bienveillante. Si vous n'êtes pas convaincu, réfléchissez à l'inverse. Est-ce que refuser une situation vous a déjà aidé à mieux vivre avec ? Généralement, plus vous serez en résistance contre quelque chose (votre fatigue, votre manque de souplesse, votre mauvaise humeur, la bêtise de votre voisin), moins ça évoluera (ou si, dans le mauvais sens).
2. La pratique
La théorie a l'air simple, n'est ce pas ? Encore faut-il savoir s'écouter... Je vous parle de lucidité, d'acceptation mais, pour être honnête, mes premiers cours de yoga, j'étais planquée au dernier rang, derrière un pilier (véridique)(j'installais mon tapis de façon à pouvoir voir la prof tout en étant quasiment invisible du reste de la salle)(un jour, la prof est venue me voir en me disant "oh mais tu es derrière le pilier, décale-toi")(j'ai répondu "je sais" et je n'ai pas bougé mon tapis d'un millimètre).
Les premiers cours donc, je faisais de mon mieux, mais c'était dur et dès que je tournais la tête, mon regard se posait sur des gens qui exécutaient les postures tellement mieux que moi.

Illustration de Margaux Motin
Autant vous dire que ce n'est pas l'idée de développer ma bienveillance qui me poussait à revenir mais cette bonne vieille détermination qui me chuchotait "accroche-toi, tu vas progresser".
Vous allez me répliquer, bienveillance ou détermination, finalement peu importe, ce qui compte c'est la régularité de la pratique. Et je vous répondrai : oui et non (on aime prendre position par ici). Oui, la régularité de la pratique est importante, mais je crois que l'intention l'est encore plus.

Illustration de Margaux Motin
Après les leviers de la lucidité et de l'acceptation, nous avons donc la force de l'intention !
Démonstration par l'exemple en la personne de moi-même.
J'ai galéré à mes premiers cours, mais j'y suis retournée. J'ai été régulière et appliquée, ne demandant qu'à devenir cette liane souple et gracieuse capable d'enchainer les postures sans une goutte de sueur. Ainsi, n'écoutant que ma motivation, j'y ai mis tout mon cœur...
...jusqu'à ce que je me blesse.
Car c'est généralement ce qui arrive lorsqu'on se focalise exclusivement sur la progression. On oublie de s'écouter. Un peu comme ce moment où tu dois boucler ta valise, il y a beaucoup trop de choses dedans, tu le sais, mais tu veux fermer cette valise alors tu t'assois dessus, tu appuies, tu tires sur la fermeture éclair ... et la fermeture éclair se casse. Le corps, c'est pareil.
J'ai pu expérimenter l'apprentissage de la bienveillance en conditions réelles puisque je suis arrivée à ma formation de Vinyasa Yoga avec ... le dos bloqué. Je vous laisse imaginer ma déconvenue. Je devais rester un mois sur place à pratiquer 6 jours sur 7, j'étais super motivée pour apprendre le maximum, j'avais puisé dans mes économies pour payer cette formation... LA frustration, quoi. Et, en même temps, je n'avais pas le choix : j'avais payé, j'étais sur place.
Le premier jour a été terrible. J'alternais les phases de réconfort ("c'est pas grave, prends ce qu'il y a à prendre, tu vas quand même en profiter") avec des sessions d'auto-flagellation ("t'es tellement nulle, arrivée le dos bloqué à sa formation de yoga, c'est collector"). Le deuxième jour n'a pas franchement été mieux.
Et puis, la formation a démarré. Rapidement, il a fallu faire un choix. Soit je forçais, et je prenais le risque d'empirer ma situation jusqu'à me rendre toute pratique impossible et m'isoler du groupe. Soit je la jouais cool. Contrainte et forcée, j'ai donc dû jouer la carte de la bienveillance. J'ai fait attention. Petit à petit, je me suis mise à écouter mes sensations et j'ai pris garde à ne jamais forcer. J'étais entourée de nanas mille fois plus souples que moi (moi sans le dos bloqué donc je vous laisse imaginer dans ma situation) mais c'est passé, j'ai ravalé mon ego.
Parallèlement, j'ai essayé de mettre en place des petits trucs pour m'aider à récupérer. Tous les jours, je restais 20 à 30 min avec les jambes relevées contre un mur pour relâcher le bas du dos (oui, c'est long, j'écoutais des podcasts en même temps)(je crois même qu'une fois j'ai réussi à m'endormir dans cette position). Et tous les soirs, je me massais le bas du dos (j'ai écumé les Internet donc, c'est cadeau, voici la vidéo qui m'a sauvé la vie). Bref, j'ai appris à m'écouter et j'ai pris soin de moi ; un petit pas vers la bienveillance. Et grand bien m'en a pris puisque mon état s'est amélioré au fil des jours. A faire les postures sans forcer, j'en ai retiré uniquement les bénéfices et cela m'a permis de regagner en mobilité jusqu'à avoir une pratique quasiment restaurée.
CONCLUSION
Je suis convaincue qu'une même pratique réalisée avec deux intentions différentes ne donnera pas les mêmes résultats. Et pour avoir expérimenté les deux, je ne peux que vous conseiller d'opter pour celle qui implique une once de bienveillance.
Pratiquez pour le plaisir que vous retirez du moment passé sur votre tapis. Ayez des objectifs mais n'oubliez pas d'apprécier chaque étape du voyage, chaque micro-élément de progression vers ces objectifs. Ecoutez et respectez vos sensations.
Pratiquez avec une intention positive, pour vous ("je veux gagner en détente / améliorer ma mobilité / renforcer mes muscles / etc.), et non pas contre vous (j'en ai marre d'être complètement raide / incapable de tenir dix secondes de gainage / etc.).
Ne pratiquez pas uniquement pour atteindre le grand écart, faire l'équilibre sur les mains ou réussir des postures hautement photogéniques. Pratiquez pour tout ce qu'il y a avant. Si vous avez une pratiquez régulière, vous progresserez de toute façon.
Comme disait Pattabhi Jois :"Practice and all is coming".
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La prochaine fois, on parlera de la confiance en soi.
Parce que la pratique du yoga permet de développer la bienveillance, mais pas que !