Suite à la newsletter de la semaine dernière où je vous invitais à vous interroger sur l'impact que la situation du confinement a pu avoir sur votre pratique du yoga, je vous livre mon expérience.
Ayant une tendance prononcée pour la (sur)analyse, je serai capable de vous faire un plan en trois parties mais je vais essayer de conserver une forme agréable à la lecture.
Déjà, la situation du confinement m'a forcée à prendre du recul sur ma pratique personnelle de yoga. Lorsque j'évolue dans mon quotidien "classique", je suis comme tout le monde. Je planifie des courses, des repas, des sorties avec des gens que j'aime, etc. Et parmi ces éléments, je planifie ma pratique. Dans le cadre des cours que je donne au studio, j'ai fini par considérer ma pratique comme un échauffement indispensable à la répétition de postures que je démontre parfois au studio. Avec le confinement, j'ai mis en place des cours en ligne et m'échauffer n'était plus une priorité puisque je faisais absolument tout le cours y compris, donc, la mise en mobilité du début. Du coup, pourquoi pratiquer ? Si je n'y suis pas obligée d'un point de vue purement utilitaire (échauffer mon corps avant d'éventuelles répétitions de postures), pourquoi mettre les pieds sur mon tapis ? Qu'est ce que j'y cherche ? Surtout, qu'est ce que j'y trouve ? De quelle façon je pratique ? (je vous ai prévenu.es que la mentalisation et moi sommes meilleures amies).
J'ai réfléchi.
Je pratique 6 jours sur 7.
Cette période a été un moment introspectif sur cette activité quasi-quotidienne.
Sans m'en rendre vraiment compte, j'ai pris du recul. Je me suis aperçue que ma pratique était déséquilibrée. Sur le plan purement physique, trop de vinyasa, trop de mouvements, de transitions ou de postures avec appui sur les mains nécessitant un gainage important. Recrutement trop important des muscles situés sur l'avant du buste (chaine pectorale, entre autres). J'ai intégré des postures d'étirements de cette face avant, j'ai musclé davantage mon dos. Surtout, je l'ai fait plus intelligemment en répétant chaque jour des mouvements tout simples afin de construire les connexions nerveuses me permettant de recruter les muscles de mon dos. La nuance a son importance. Un même mouvement n'a pas la même efficacité selon que l'on comprend (ou non) les muscles que l'on mobilise et que l'on est capable de les visualiser et ressentir leur engagement. Ce ne sont pas des mouvements hyper ludiques, ça demande beaucoup de concentration et les résultats mettent du temps MAIS ça en vaut vraiment la peine. Cette période de confinement m'a donc permis d'affiner ma compréhension de la pratique dans sa dimension physique. Je travaille encore plus en profondeur et en décomposition.
Parallèlement, cela m'a permis de lâcher davantage encore de lest sur l'aspect performatif de la pratique physique. Je suis quelqu'un qui a besoin d'objectifs et de challenges. Si je tiens un ballon de basket en mes mains, je vais essayer d'améliorer mon shoot. Si je monte sur un vélo, je vais viser une amélioration progressive de mes sorties. La progression, en général, est un gros moteur dans ma vie, donc dans ma pratique physique de yoga. Toutefois, si j'ai pu retirer un sentiment de frustration de cet esprit de compétition, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Avant, je pouvais passer une posture en forçant et me dire "OUAIS J'AI REUSSI" (et je levais les bras au ciel tel Virenque dans ses meilleures années)(oui, j'ai beaucoup de références du Tour de France). Maintenant, je sais que ça n'a pas de valeur car 1) une posture mal exécutée est juste une posture mal exécutée et 2) tout le monde s'en fout, le ciel ne s'ouvre pas en deux pour me couvrir de paillettes (je sais, quelle déception).
J'ai confiance. Je sais que les choses se mettent en place petit à petit, ça viendra. Et puis, j'ai intégré qu'aucun corps n'est identique à un autre. Certains mouvements sont très aisés pour certain.es, extrêmement ardus pour d'autres, chacun vit sa réalité, chacun vit sa pratique, point. Il y a des postures que je ne suis pas certaine de parvenir à réussir une fois dans ma vie. Est-ce que c'est grave ? Non, plus maintenant. Tant qu'il y a du beurre de cacahuètes sur Terre, ça me va.
Ces deux éléments m'ont permis de comprendre que je ne vais plus sur mon tapis pour les mêmes raisons qu'il y a 4 ans. Et c'est tant mieux car je trouve mes motivations beaucoup plus saines aujourd'hui.
Enfin, cette prise de recul (et ce temps libre accru, on ne va pas se mentir) m'a permis de faire quelque chose que j'avais mis de côté : approfondir la dimension historique et philosophique du Yoga. J'ai toujours été très scolaire. Je sais que ce n'est pas l'expérience de tout le monde mais, personnellement, j'ai adoré l'école. J'ai adoré étudier, apprendre, comprendre et j'avais très envie de creuser d'un point de vue structuré et universitaire la philosophie du Yoga. C'est ce que j'ai commencé à faire (notamment à travers un cours en ligne proposé par l'université d'Oxford) et ça me fascine. Je plonge dans une culture qui n'a absolument rien à voir avec la mienne. Je suis incapable de retenir la moitié des mots clés parce qu'ils sont en sanskrit et qu'il y a carrément trop de voyelles dedans mais j'apprends des choses. Et je comprends à quel point le Yoga dépasse le simple fait de se dandiner sur un tapis dans des postures diverses (ce qui n'est pas une mauvaise chose, simplement c'est comme manger une miette et se considérer incollable sur l'univers des sandwichs).
Pour finir, toutes ces choses me permettent d'être plus sereine dans l'enseignement que je propose. Mes cours ne plairont pas à tout le monde. Je n'ai pas la réponse à toutes les questions. Je n'aurais jamais un million de followers sur Instagram grâce à des postures acrobatiques. Toutefois je propose des choses en lesquelles je crois, je suis sincère, j'essaie de rester ouverte et c'est une façon d'aborder l'enseignement qui me va bien.