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Venez faire une pause à l'Atelier Perché 

La relation professeur / élève en Yoga

Avant toute chose, pour les personnes qui m'ont demandé si j'avais réellement lu la thèse de 250 pages mise en lien dans l'article précédent : absolument. Je ne l'ai pas encore achevée mais je la lis chaque soir. C'est passionnant. Un chapitre entier est consacré aux différents types d'imagerie visuelle. Personnellement, je ne pensais pas jusqu'alors qu'il y avait mille façons de faire de la visualisation ('tu fais quoi ?", "je visualise", "mais comment ?" "bah, je sais pas, je visualise quoi"). Rien que pour ça, c'est fascinant à lire. Comme je sais que vous êtes un public difficile à convaincre, je vous livre un deuxième fun fact. Vous savez, lorsqu'un muscle est immobilisé, il y a une perte de force musculaire. Je vous donne un exemple basique. Jour 1 : vous soulevez 80 kgs en squat. Jour 30 après un mois d'immobilisation dans un lit : vous ne soulevez plus 80 kgs en squat. (On a dit basique l'exemple) Vous allez me dire : "c'est parce que mes muscles ont fondu". OUI MAIS des études ont montré que la perte de force musculaire (dans le cas d'une immobilisation) est moins liée à la fonte réelle de la masse musculaire qu'à la réorganisation de circuits neuronaux. Quoi, elle dit quoi la dame ? Vous êtes toujours là ? Pour le dire autrement, votre cerveau réagit et s'adapte plus vite. Si la masse musculaire se réduit progressivement, le cerveau, lui, capte très vite que le muscle est immobilisé, qu'il ne va pas avoir à le solliciter et il se réorganise en conséquence. DONC, à la sortie de l'immobilisation, si vous ne soulevez plus 80 kgs en squat, ce n'est pas tant la fonte musculaire qui est responsable que votre cerveau qui n'est plus capable de recruter avec la même intensité la zone musculaire en question (parce qu'il a rattaché les circuits neuronaux dédiés à cette zone à d'autres tâches)(faire des sudoku). VOUS NE TROUVEZ PAS CA DINGUE ? Promis, si d'autres éléments passionnants ressortent de cette thèse, je vous en ferais part. Pour l'heure, revenons au sujet qui nous occupe tout de même dans cette newsletter : le Yoga. Dans la tradition du Yoga, un personnage est essentiel : le gourou. Si le vocable heurte nos oreilles européennes, car trop rattaché aux sectes et autres dérives communautaristes, il a une symbolique extrêmement puissante en Yoga. Les devinettes étymologiques vous ont manqué ? Ça tombe bien : Guru est la contraction des racines "gu" (les ténèbres) et "ru" (la lumière qui les disperse). Comme l'explique Jean Varenne, "le gourou est donc celui qui dissipe les ténèbres". La classe.

Il est intéressant de noter que les maîtres spirituels ne se désignent pas eux-mêmes comme gourous. Ils le sont parce que ce sont les autres qui les considèrent ainsi (vous me suivez ?). C'est un titre honorifique qui identifie des personnalités ayant un fort potentiel de transmission de connaissances (saupoudré le plus souvent d'un certain charisme). A nouveau, Jean Varenne nous explique que "Le plus souvent, il s'agit d'un renonçant (samnyasin, sâdhu) qui, lorsqu'il a atteint pour lui-même le plus haut degré de développement spirituel, obtenant ainsi la délivrance (moksha), accepte de communiquer à des disciples le secret de sa réussite. Ayant lui-même reçu l'initiation de son propre maître, il la confère à son tour aux impétrants, assurant ainsi la pérennité de la lignée initiatique à laquelle il appartient" (Encyclopaedia Universalis) Si aujourd'hui, on trouve des cours de yoga qui accueillent des dizaines et des dizaines d'élèves, initialement la transmission de gourou à élève était beaucoup plus rare. Seuls des individus triés sur le volet pouvaient suivre l'enseignement d'un maître. "Dans son documentaire sur le yoga tibétain, diffusé par l'ORTF en juin 1966, il [Arnaud Desjardins] montre les exercices de trois jeunes et très sérieux Tibétains sous l'oeil impassible et sévère de leur gourou : "Seuls trois jeunes gens sélectionnés sortis vainqueurs d'épreuves rigoureuses ont été admis à devenir ses disciples et à recevoir de lui leur initiation. Initiation, c'est à dire commencement, entrée dans la voie et aussi ordination, indispensable transmission d'une influence spirituelle, d'un pouvoir que le disciple mettra en oeuvre au moyen de tous les exercices et de toutes les techniques de l'ascèse yogique pour porter à maturité le germe qui a été semé en lui. Certes, le gourou, le maître, est celui qui guide, qui encourage, qui corrige, qui enseigne, mais il est d'abord celui qui donne naissance à une vie nouvelle, qui met au monde, qui met au monde un monde qui n'est pas de ce monde, hors du temps, infini, bienheureux, sans limites, indestructible, fait d'immobilité bien plus active que toutes les agitations et d'un silence plus vibrant que toutes les paroles" (Yoga, une Histoire Monde de Marie Kock). Au fur et à mesure que le yoga s'est répandu, cette tradition s'est effritée. Aujourd'hui, seul.e.s quelques professeur.e.s avec une aura et un savoir certains appartiennent à la catégorie de maîtres spirituels. Pourquoi je vous parle de ça ? Parce que cela nous amène sur la relation professeur / élève et que je trouve cette relation intéressante à explorer. En tant qu'élève, je suis d'une fidélité presque maladive. Je choisis de m'en remettre à des professeur.e.s en qui j'ai décidé de faire confiance. Je sais que ces personnes enseignent à partir de ce qu'elles ont compris ou cru comprendre et qu'elles ont des failles, mais je les suis. Et je le fais pour la simple et bonne raison que ce sont des personnes auprès desquelles je me sens bien, où j'ai le sentiment qu'elles parviennent à faire ressortir ce que j'ai de mieux en moi et à me tirer vers le haut. Ce sont également des professeur.e.s qui ont une véritable pratique personnelle et qui continuent de se former. J'évolue avec elles en même temps qu'elles évoluent elles-mêmes. D'ailleurs, c'est rigolo car, au fil des expériences, j'ai repéré des similitudes prononcées parmi les professeur.e.s que j'apprécie de tout mon coeur (ils se comptent sur les doigts d'une seule main). En tant que professeure, j'envisage mon rôle d'une façon assez claire. J'accompagne, je guide. Plus une personne est débutante, plus je vais encadrer. En revanche, mon rôle est également de savoir m'effacer au fur et à mesure que l'élève s'approprie sa pratique. Un peu comme avec un enfant, c'est parfois difficile de lâcher prise, on aimerait donner encore et encore des indications, déblayer un peu plus la voie mais je sais que dégager les cailloux de la route fait partie de l'apprentissage. En tant qu'élève, j'ai saisi que la compréhension vient avec la répétition et que cette compréhension est évolutive (on ne comprend jamais une posture à 100%). Alors, en tant que professeure, je laisse de l'espace à mes élèves pour l'appropriation. Pourquoi je vous raconte tout ça ? Parce qu'à la rentrée 2020, en septembre, je vais ouvrir un créneau de Yoga dynamique niveau intermédiaire. Ce sera le jeudi à 18h. Le créneau existe déjà, je vais simplement y appliquer ce libellé. Je considère que la grande majorité des habitués de ce créneau sont d'un niveau intermédiaire, ça ne créera donc pas de remous. Pour autant, la décision n'a pas été facile à prendre. Choisir de mettre en place des cours de niveaux, c'est prendre un risque sur la rentabilité de son studio. Pourquoi la plupart des studios ne fait pas de cours de niveaux ? Pour ne pas se couper d'une partie de la population. Quid des débutant.e.s qui aimeraient venir et qui sont disponibles uniquement sur le créneau intermédiaire ? Ils ne viennent pas, effrayés par le libellé "niveau intermédiaire". J'ai des amies qui sont professeures de yoga indépendantes et qui aimeraient mettre en place des cours de niveaux dans les studios où elles interviennent mais on le leur refuse. Il faut pouvoir accueillir le maximum de monde. Je comprends l'argument. D'un point de vue gestion d'entreprise, il est absolument rationnel. Etant à la tête de ma propre entreprise, c'est pourquoi la décision d'un cours de niveau n'a pas été facile à prendre. En gros, j'accepte de ne pas mettre toutes les chances de mon côté concernant la rentabilité. Mais j'estime que c'est de cette façon que je réalise au mieux mon job de professeure de yoga. Certaines personnes viennent depuis l'ouverture du studio. Elles ont deux ans de pratique régulière de yoga derrière elles. Je veux fournir un cadre approprié à ces élèves pour qu'ils et elles puissent continuer à développer leur pratique. Voilà. (Je sais que la conclusion est un peu abrupte)(autant je fais des pancakes délicieux, autant je ne suis pas franchement douée pour décliner des conclusions avec amortisseurs). --------------------------

Sources : - Encyclopaedia Universalis par Jean Varenne (en cyclopédie en ligne sur le yoga avec de très nombreuses entrées) - Yoga, une histoire monde de Marie Kock (je vous le recommande chaudement) - Interview de Marie Kock sur le sujet du gourou dans le podcast Salutations Yoga (elle intervient également dans les deux épisodes précédents et c'est tout aussi passionnant).

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